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1869 : la première grande grève de femmes en France

Cher·es camarades, cher•es ami•es,

Quand on parle de l’histoire de Lyon, difficile d’échapper aux travailleurs de la soie -les canuts- et à leurs révoltes de 1831 et 1834.

Pourtant, au XIXème, les conditions de salaire et de vie des femmes étaient bien plus terribles que celles des hommes.

Quelques années après les canuts, des ouvrières, les ovalistes, envahissent les rues de Lyon.

Il y a plus de 150 ans, la première grande grève de femmes en France débutait à Lyon : le 17 juin 1869, les ovalistes, des ouvrières de la soie à Lyon (Rhône) se révoltent contre leurs conditions de travail. C’est le début d’un mois de grève.
C’est un événement majeur dans l’histoire des révoltes : la première grande grève des femmes en France, pourtant, cet épisode constitutif des révoltes citoyennes est peu connu des Lyonnais et des Français en général.

Qui étaient les ovalistes ?
Pas question de ballon ovale ici. Les ovalistes sont des ouvrières de la soie qui étaient assignées à un poste précis et particulièrement important de la production : "Elles récupéraient le fil de soie naturel défait des cocons et le transformaient en fil tissable grâce au moulinage". C’est d’ailleurs parce qu’une pièce du moulin qu’elles utilisaient est qualifié d’"ovale", qu’elles furent appelées ainsi à Lyon. Ailleurs en France, on les nomme les "moulineuses".

Des conditions de travail déplorables

Venues des campagnes environnantes voire du Piémont (Italie), ces ouvrières étaient logées de façon rudimentaire dans des « dortoirs insalubres les unes sur les autres », raconte Mathilde Larrère, historienne des révoltes et de la citoyenneté. "Leurs conditions de travail étaient super dures, avec des journées de travail de 12h à 14h, des ateliers bruyants, de l’humidité... Des ouvrières attrapaient la tuberculose à cause de la poussière des cocons..."

Pour ne rien arranger, elles ne reçoivent que 1,40 franc par jour pour leur travail. L’augmentation de leur salaire est d’ailleurs leur première revendication. Payées moins que les hommes, elles réclament un salaire similaire, réévalué à 2 francs.
Elles souhaitent également la baisse de leur temps de travail, une heure de moins par jour, et quelques améliorations de leurs conditions de travail comme le droit de s’asseoir ou de faire des pauses.

Les ovalistes font part de leurs revendications au patron de la fabrique lyonnaise.

Mais elles n’ont droit qu’à une fin de non-recevoir de la part du patron. Alors, elles décident de se tourner vers le préfet sénateur. Avec l’aide d’un écrivain public – la plupart des ovalistes étaient analphabètes – elles rédigent une pétition signée. « Cela demande un courage énorme pour l’époque  », souligne Mathilde Larrère.

La révolte s’organise

Le préfet ne semble pas plus réceptif à leurs demandes et les ouvrières continuent leurs luttes. Pour mieux s’organiser, elles reçoivent l’aide de l’AIT, Association internationale des travailleurs créée en 1864. Pendant quelques jours, les ovalistes prospectent d’ateliers en ateliers pour faire adhérer d’autres travailleuses à leur cause.

Après une première réunion dans la salle de la Rotonde, où assistent près de mille ouvrières, «  la grève devient de plus en plus forte  ».

Grâce aux fonds collectés par l’AIT en France, Angleterre et Belgique, les ovalistes parviennent à tenir la grève pendant plus d’un mois, du 17 juin au 21 juillet. Mais elle est assombrie par les nombreuses arrestations de manifestantes et par les mises à la rue de dizaines de femmes hébergées par la fabrique de soie.

Au plus fort de la révolte, 1.800 femmes prennent part au mouvement sur quelque 2500 ouvrières. Quelques hommes les ont rejointes entre temps et « une émeute a même failli éclater dans un atelier des Brotteaux », note l’historienne.

"C’est une lutte très importante et longue. C’est la première grève de femmes de cette ampleur en France". Mathilde Larrère

Malheureusement et malgré cette mobilisation inhabituelle pour l’époque, les ovalistes n’obtiennent pas tout ce qu’elles veulent. « Elles ont faim et froid, et décident de reprendre le travail peu à peu ». Seule la réduction d’une heure de leur temps de travail leur est accordée.

Pour autant leur courage – « ce n’était pas évident de se soulever du fait de la place qu’on leur donnait dans la société » – permet d’ouvrir la voie à d’autres travailleuses et à d’autres grèves féminines comme celles des tisseuses à Vizille (Isère) en 1906.

Aujourd’hui cette grève est retombée dans les oubliettes, mais certains s’attachent à la faire connaître. Comme la journaliste Eva Thiébaud et Nathalie Vessillier qui ont réalisé une BD sur ce sujet, parue en 2017 dans un numéro des « Rues de Lyon »

(voir vidéo : https://youtu.be/_mtS5CDFwmk)

Pour en savoir plus :

le livre « La grève des ovalistes » de Claire Auzias et Annik Houel ;
le site Wikirouge https://wikirouge.net/Grève_des_ovalistes

https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon_69123/il-y-a-152-ans-la-premiere-grande-greve-de-femmes-en-france-debutait-a-lyon_42712833.html

Bonne lecture

Article publié le 7 mars 2022.


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