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Prélèvement à la Source...la revue de presse !

Et, Ô surprise, les représentants du personnels ont eu la possibilité de s’exprimer !
L’Humanité du 2 janvier 2019 :
https://www.humanite.fr/fiscalite-prelevement-la-source-la-crainte-dune-usine-gaz-665824

L’Express du 2 janvier 2019 :
https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/prelevement-a-la-source-les-agents-du-fisc-inquiets_2055577.html

France Info le 2 janvier 2019 :
https://www.francetvinfo.fr/economie/impots/prelevement-a-la-source/numero-vert-mis-en-place-pour-le-prelevement-a-la-source-pas-assez-de-monde-au-bout-du-fil-selon-la-cgt_3126515.html

Et sur le terrain, on est bien loin du Monde Merveilleux de Gégé ! décrit dans l’article ci-dessous :
https://www.liberation.fr/depeches/2019/01/02/prelevement-a-la-source-il-n-y-a-pas-de-bug-assure-darmanin_1700692

Notons la mauvaise posture de travail du ministre, qui nécessiterait une visite du CHSCT local.
Suite aux suppressions d’emplois massives, il n’y a plus assez de fauteuils pour tout le monde, monsieur le ministre travaille donc debout...et en plus devant les caméras des télévisions nationales.
Pour lui, c’est certainement ça le Télé-Travail où il met en œuvre son faire-savoir  !

Prélèvement à la source : une révolution fiscale inutile et dangereuse PAR ROMARIC GODIN

ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 1 JANVIER 2019
Article à retrouver sur le site de Médiapart

Ce 1er janvier sonne l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Un choix confirmé par Emmanuel Macron en septembre, malgré les nombreux risques politiques et techniques, et qui met en danger l’impôt progressif.
Ce 1er janvier 2019 restera dans les annales de l’histoire fiscale française. Cent treize ans après son entrée en vigueur en France, l’impôt sur le revenu (IR) sera prélevé à la source et non plus directement par l’administration fiscale auprès des contribuables.
En apparence, la France rejoint la « normalité » européenne puisque la plupart des États européens, à l’exception de la Suisse, pratiquent ce type de prélèvement.

Le gouvernement et le président de la République jouent très gros dans cette petite révolution fiscale. La décision avait certes été prise par la majorité précédente, inscrite dans la loi de finances 2017 et prévue pour le 1er janvier 2018. À son arrivée à l’Élysée en mai 2017, Emmanuel Macron avait décidé de se donner un an de plus pour évaluer la situation, sous-entendant que la précédente majorité avait pris les choses trop à la légère. Mais finalement, dès octobre 2017, l’exécutif annonce que la réforme aura bien lieu en 2019.

L’évaluation aura donc été courte, mais ce délai est suffisant pour transférer la responsabilité des éventuelles difficultés à venir de la majorité précédente à l’actuelle. D’autant plus que le pouvoir a longtemps hésité. Début septembre, un véritable mélodrame s’est joué. Emmanuel Macron a mis en scène ses doutes, craignant pour son « capital politique ». Une nouvelle suspension de la réforme était évoquée.
Finalement, la réforme, légèrement aménagée, a été confirmée. Le Rubicon a donc été franchi et les bulletins de paie de janvier seront frappés par le taux de prélèvement fixé le 15 septembre dernier, sur la base des déclarations de revenus 2017. Et tout problème sera à mettre au débit d’un exécutif qui a porté et défendu cette bascule. Compte tenu de la situation actuelle, cette nouvelle réforme est lourde de menaces.
Une administration fiévreuse
Quels types de problème peuvent survenir ?
Le premier est technique. Bercy affirme que tout est prêt.
Mais Le Parisien avait, en septembre, révélé plusieurs échecs dans les tests pratiqués en début d’année et à l’été. Le ministère avait assuré que ces échecs étaient normaux et avaient donné lieu à des corrections.
Mais, de sources internes, les équipes semblent moins sereines. Si un « bug » massif en janvier semble exclu, le risque de plusieurs problèmes s’accumulant ne l’est pas.
« Le prélèvement à la source a lieu chaque mois et si l’on ne parvient pas à corriger dans le cours du mois, les soucis peuvent s’accumuler, on ne sait pas jusqu’à quel point », affirme un agent. Si ce scénario se confirme, la gestion de l’impôt sur le revenu risque de devenir un casse-tête pour les contribuables.

Le deuxième problème concerne les moyens techniques et humains mis à disposition de cette bascule. D’abord, immédiatement. Le gouvernement a refusé de permettre aux contribuables dont la situation professionnelle et familiale a changé en 2018 d’actualiser leur situation avant le 1er janvier. Ils ne pourront le faire que le 2 janvier.
Les services seront-ils prêts à absorber le flux de demandes et à les traiter dans le délai d’un mois annoncé ?
Si ce n’est pas le cas, là aussi, les mécontentements seront nombreux et d’autant plus justifiés que, pendant la durée du traitement de leur demande, les salaires des contribuables seront frappés par un taux erroné et que la régularisation ne sera faite qu’en… septembre 2020.
Ensuite viendra un moment décisif : la réception, fin janvier et début février, des premières feuilles de paie incluant le prélèvement de l’impôt sur le revenu.

Inévitablement, beaucoup de salariés auront des questions et des objections. L’administration fiscale est-elle prête à répondre avec fluidité et, si nécessaire, à corriger ? Selon une source de Bercy, « la direction générale est très fébrile ».

Et la CGT Finances publiques a publié samedi 29 décembre un communiqué confirmant cette inquiétude. Entre les demandes d’explications et les changements de taux, l’affluence risque d’être trop forte pour une administration fiscale déjà fortement frappée par les réductions de postes depuis plusieurs années et qui doit désormais s’adapter à une nouvelle collecte de l’impôt sur le revenu. Si elle ne répond pas présente, là encore, les difficultés seront majeures.

Quelle réaction des consommateurs ?
Cette première fiche de paie crée un autre problème : celui de la réponse « économique » des consommateurs désormais prélevés à la source. Certes, en théorie, ce prélèvement ne change rien à ce que doit payer le contribuable. Pour ceux qui étaient mensualisés, la somme à payer sera même plus faible, passant d’un dixième à un douzième chaque mois. Mais cela se comprend sans les crédits d’impôt qui sont versés à part. Dans les faits, la situation est donc risquée.
D’abord parce que, on le verra, ceci ne se vérifie que sur une période de dix-huit mois, notamment pour ceux dont la situation professionnelle et personnelle change souvent ou de façon majeure. Ensuite parce que 40 % des contribuables n’étaient pas mensualisés et que, pour eux, la gestion de trésorerie sera très différente désormais. Enfin, parce qu’on ignore l’effet concret du choc psychologique d’un changement sur le « net à payer » sur le comportement du consommateur.
Frappé par cette baisse sur sa fiche de paie, ce dernier sera-t-il tenté d’ajuster ses dépenses à la baisse ?
Depuis plusieurs mois, certains économistes mettent en garde. En pleine révolte fiscale, la question est plus que jamais d’actualité. Et le risque d’un impact sur la consommation est réel, au moment où la croissance fléchit.
Le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin l’a toujours nié. Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a lui aussi voulu récemment relativiser en indiquant que seulement 40 % des 57 % de ménages payant l’impôt sur le revenu étaient concernés par ce changement, les autres étant mensualisés. Cela représente néanmoins 23 % du total des ménages. S’ils baissent de 1 % leur consommation, l’impact sera sensible.

Surtout, la mensualisation et le prélèvement à la source ont des impacts différents. Car si le prélèvement (sur douze mois) sera plus faible que la mensualisation (sur dix mois), il est hors crédits d’impôt et ne « libère » pas potentiellement les deux derniers mois de l’année. Pire même, à partir de 2020, en cas d’ajustement de l’impôt, le contribuable devra payer son prélèvement plus sa régularisation (qui se fait sur les trois derniers mois de l’année). Au bout du compte, les deux méthodes ne sont donc pas équivalentes pour la trésorerie des ménages.

L’hésitation de début septembre d’Emmanuel Macron portait d’ailleurs sur ce risque. Pour le pallier, il a été décidé de payer en avance deux tiers d’un grand nombre de crédits d’impôt normalement versés en septembre dès le 15 janvier, histoire d’amortir le choc de la fiche de paie et de soutenir en février la consommation…

La stratégie fonctionnera-t-elle ?
Impossible de le savoir pour l’instant.
La fausse promesse d’un impôt contemporain
Pour finir, un dernier problème émergera en 2020 lorsque les contribuables prendront conscience de l’aspect non contemporain du prélèvement à la source.
Cette idée est pourtant au coeur de la stratégie de Bercy pour faire accepter le nouveau système. Mais elle n’est pas juste.
Le prélèvement à la source n’est pas le prélèvement de l’impôt en temps réel, c’est un acompte sur un montant dû estimé. Du reste, le prélèvement contemporain mensuel d’un impôt calculé sur une base annuelle n’a strictement aucun sens. Nul ne sait à l’avance, en janvier, quels seront ses revenus globaux de l’année 2019. On ne peut que l’estimer sur des bases passées.

Le prélèvement à la source n’est donc pas un paiement contemporain de l’impôt, mais une avance sur l’impôt dû.
De fait, le taux fixé au 1er janvier est donc fondé sur les revenus globaux de 2017, les derniers connus par l’administration fiscale. Ce taux sera ajusté en septembre en fonction de la déclaration des revenus 2018 rédigée ce printemps. Mais là encore, cet ajustement ne prendra pas en compte les revenus de 2019 (c’est impossible puisque ces revenus ne seront toujours pas connus). Comme auparavant, c’est donc fin 2020, une fois l’avis d’imposition 2019 édité, que l’impôt réellement dû sera connu. Une régularisation sera alors effectuée en partant de l’avance faite dans le cadre du prélèvement à la source.

Cette découverte risque de faire grincer bien des dents aux contribuables qui pourront penser, trompés par la campagne de Bercy, qu’ils ont payé déjà le juste montant de leur impôt sur le revenu. Ce sera notamment le cas de ceux qui ont vu leur impôt augmenter. La régularisation se fera sur trois mois à partir de 300 euros par prélèvement direct sur le compte en banque.
Certes, on l’a dit, il sera possible à partir du 2 janvier d’actualiser sa situation pour relever ou abaisser son taux. Mais le taux ne sera pas « choisi » comme c’est le cas aujourd’hui pour le montant des mensualisations, il sera fixé par l’administration après traitement de la nouvelle situation. Il y aura donc un délai de plus d’un mois si tout se passe bien (ce qui n’est pas certain) parce qu’il faut transmettre le nouveau taux à l’employeur et que ce dernier le prenne en compte (ce qui peut allonger le délai lorsqu’il y a sous-traitance de la paie, par exemple). Comme le gouvernement n’a pas ouvert ce service avant le mois du premier prélèvement, les sommes avancées durant cette mise à jour devront être régularisées et ne le seront… qu’en septembre 2020.Celui qui doit voir son taux d’imposition baisser fera nécessairement une avance de trésorerie gratuite au fisc pendant 19 mois…
L’affaire ne manque pas de piquant : ce sont ceux qui ont eu une baisse de revenu ou qui ont de nouvelles charges qui seront contraints de faire une telle avance sans intérêt à l’État, tandis que ceux qui sont dans le cas contraire pourront bénéficier d’une avance équivalente de l’État (mais s’exposent à une régularisation douloureuse en 2020).
Enfin, il existe des variations de revenus qui ne conduisent pas à un changement de taux mais donneront lieu à des régularisations. Il existe aussi des cas où la forte précarité (par exemple pour les intermittents du spectacle ou les intérimaires) entraîne des variations de revenus sur un an et à l’intérieur d’une année. Le prélèvement à la source aura du mal à s’adapter à ces cas.
Bercy répond à ces objections en indiquant qu’en cas de baisse de revenus, l’impôt avancé par le prélèvement à la source sera abaissé puisque désormais, le calcul s’effectue par un pourcentage du revenu. C’est vrai, mais ceci ne vient pas en contradiction avec le fait que l’impôt sur le revenu en
France étant progressif et non proportionnel, celui qui a un taux erroné ne paiera pas l’impôt juste et devra attendre un an et demi la régularisation de sa situation. Autrement dit, l’aspect contemporain du prélèvement à la source est un mythe. Beaucoup de contribuables le découvriront dans un an et demi. Il est fâcheux que Bercy ait axé sa campagne sur ce thème, le retour de bâton pourrait être douloureux et ruiner à terme l’acceptation de la réforme.

L’attaque contre le consentement à l’impôt et la progressivité

Mais alors, pourquoi avoir fait cette réforme alors que le système précédent, qui posait aussi son lot de problèmes, fonctionnait très bien ? Bercy met en avant la possibilité d’un taux de recouvrement supérieur au taux pourtant très élevé déjà de l’impôt sur le revenu (95 %) en se fondant sur le taux de recouvrement des cotisations sociales (98 %). Mais on peut aussi souligner le risque de recouvrement lié aux faillites ou aux non-paiements, ainsi que le faible taux de la TVA (80 %). Pourquoi prendre un tel risque ?

Certains soupçonnent ce prélèvement à la source de n’être que le premier pas vers d’autres réformes. La première concerne directement l’administration fiscale.

En transférant aux entreprises le recouvrement de l’impôt à la source, on prépare le terrain à de fortes réductions d’emploi dans l’administration fiscale au moment où le gouvernement cherche à faire des économies et à réduire encore les effectifs de fonctionnaires. Mais, ce faisant, on éloigne encore un peu plus le citoyen de l’impôt.

C’est, du reste, le problème principal de ce système. En se voulant « indolore » une fois la transition passée, le prélèvement à la source banalise l’impôt sur le revenu et l’assimile à une simple taxe ou à un prélèvement. Il est, dès lors, fragilisé et perd son sens principal, voulu dès son origine, de redistribution.

Le prélèvement à la source modifie en effet le lien entre l’impôt sur le revenu, impôt le plus progressif du système français et conçu comme tel, et le citoyen, comme l’a souligné Laurent Mauduit. Car l’IR n’est pas un impôt comme les autres : il est un des impôts qui ont eu le plus de mal à naître parce que, précisément, il remettait en question le système fiscal français du XIXe siècle.

Celui-ci était hautement injuste puisque les taxes indirectes sur la consommation, et particulièrement sur la consommation des plus pauvres, représentaient alors l’essentiel des recettes de l’État. Les « quatre vieilles » contributions directes issues de la Révolution, principalement fondées sur la richesse, affichaient alors un rendement quasi nul.

Les partisans de l’impôt sur le revenu, notamment Joseph Caillaux, avaient conçu cet impôt comme un moyen de rééquilibrer la contribution par une taxation progressive et visible. Le 29 novembre 1913 à la Chambre, s’opposant au président du Conseil d’alors, le conservateur Louis Barthou, il proclame : « Il est une chose que je sais bien, c’est que jamais la démocratie ne supportera qu’on prenne aux pauvres par l’impôt indirect sur leur nécessaire, tant qu’on n’aura pas demandé aux classes riches et obtenu d’elles ce qu’elles peuvent et qu’elles doivent consentir. »

L’IR était donc un moyen d’assurer la solidarité nationale à hauteur de ses moyens. Dès le départ, ilest donc fondé sur la progressivité et la déclaration des revenus. Le décalage d’un an se comprenait par cette volonté de frapper des revenus effectivement encaissés et constatés. C’est cette « inquisition sur les fortunes », que contestait Adolphe Thiers dès les années 1870, qui a toujours provoqué l’ire du bourgeois français.

En quoi alors le prélèvement à la source remet-il en cause ce système ? Certes, le mode de calcul ne change pas. Mais, devenu un prélèvement salarial, l’IR change de nature : il devient une « charge », comme le sont devenues les cotisations sociales. Or ces dernières, qui représentent du salaire socialisé et de la solidarité nationale, sont depuis des années la cible de ceux qui veulent augmenter le pouvoir d’achat sans alourdir le coût du travail.

C’est même toute la politique du gouvernement pour que le « travail paie plus » depuis mai 2017 :supprimer les cotisations chômage et maladie pour donner plus de pouvoir d’achat aux salariés. Le financement se fait par la CSG, impôt non progressif mais proportionnel, frappant tous les revenus. Ce que représente la cotisation, son aspect de salaire socialisé, est alors entièrement occulté par un jeu comptable : la hausse de la CSG rapporte plus que les cotisations supprimées. Mais la logique est différente : en finançant la protection sociale par la CSG, on en fait une série de prestations gérées par l’État, indépendantes des cotisations, qui entrent dans la grande liste des dépenses publiques. En cas de besoin, on pourra donc plus facilement les réduire.

On voit mal comment l’IR, désormais géré par l’usine à gaz du prélèvement à la source, échappera à cette double tentation à terme : simplifier par la suppression de la déclaration et réduire pour dégager du pouvoir d’achat. Le prélèvement à la source est un premier pas, volontaire ou non, vers sa transformation en un impôt plus simple et moins progressif. Il crée les conditions d’une demande de l’opinion allant dans ce sens. Ce 1er janvier 2019 sonne donc comme le début de la fin d’un
des derniers impôts progressifs de France.

Article publié le 4 janvier 2019.


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